Jours 5 et 6, Ascension sur deux jours du Pic du Teide

13 et 14 Décembre 2017

La caldeira depuis le refuge

Le Teide, le sommet le plus haut d’Espagne, ce pic volcanique situé à 3718 mètres d’altitude est le défi de tous les randonneurs se rendant à Ténérife. L’ascension d’un volcan toujours en activité est une expérience unique, et le panorama du sommet sur Ténérife et les îles Canaries est époustouflant. Bien sûr, on peut s’y rendre par le téléphérique mais le challenge n’est alors pas au rendez-vous, alors que gravir les 1400 mètres de dénivelé positif, répartis sur deux jours, en dormant au refuge d’Altavista, et repartir avant le lever du soleil pour l’admirer depuis le sommet, ça c’est un pur défi. Je n’ai pas l’esprit de compétition et je ne suis pas du genre à chercher mes limites, et pourtant, je l’ai fait… Ce n’est pas si insurmontable que ça et j’en garde un souvenir poignant empli d’émotions.

C’est en fin de séjour que je retourne dans le parc national Las Canadas del Teide, pour réaliser ce “trek” sur deux jours. L’ascension du Teide est toutefois quelque chose de très cadré et de populaire. D’une part car l’accès aux derniers mètres du Pic est contrôlé : il faut obligatoirement une autorisation pour pouvoir emprunter le sentier Telesforo Bravo, conduisant de la station du téléphérique supérieure , au sommet du Teide. Pour des questions de préservation et de sécurité, seulement 200 autorisations sont délivrées par jour. Le seul moyen d’y accéder sans autorisation est de quitter la zone restreinte avant 9h00 et de dormir au refuge.

D’autre part, une réservation au refuge d’Altavista    est indispensable pour pouvoir y dormir. En effet, le refuge affiche souvent complet et il est interdit de faire du camping sauvage dans le parc. L’ascension du Teide était donc quelque chose que j’avais planifié à l’avance, en croisant les doigts pour qu’il fasse beau ce jour-là. J’avais choisi les derniers jours du voyage afin de me “préparer” physiquement à l’ascension en faisant plusieurs randonnées avant. La réservation du refuge coûta 21€, pas besoin d’autorisation, et je n’ai pas réservé la descente par le téléphérique, en me gardant ce choix au moment venu en fonction de ma fatigue.


Ascension depuis la Montaña Blanca au refuge d’Altavista

La première partie de l’ascension est la plus difficile, depuis la Montaña Blanca  au refuge d’Altavista   par le sentier n°7 : 914 mètres de dénivelé positif sur environ 8 km, en partant d’une altitude de 2370 mètres. Le point de départ sur trouve le long de la route principal TF-21 traversant le parc, un petit parking permet de garer quelques voitures mais à mon arrivée il est déjà complet. Je trouve une place le long de la route un peu plus loin.

Je m’équipe : chaussures de marche, bâtons, mon sac d’environ 6 kg contenant ma poche à eau, ma nourriture pour 2 jours, un change et des vêtements chauds (il n’est pas rare qu’il neige sur le Teide) ainsi que quelques accessoires (lampe frontale, GPS, chargeur de batterie, appareil photo etc.).

Le sentier grimpe entre la Montaña Blanca, sur ma gauche, et la Montaña Rajada, sur ma droite. Le paysage est typiquement volcanique, le sol est recouvert de pierres ponce, le panorama est désertique. Ce jour là le vent souffle très fort et vient du Nord, avancer avec le vent de face n’est pas facile et glace le sang. Je ne tarde pas à sortir bonnet et gants et à ranger l’appareil photo, qui, placé en bandoulière, perd rapidement de sa batterie. Le silence n’est interrompu que par des tintements cristallins : il s’agit des quelques arbustes gelés qui, sous la force du vent, ont les branches recouvertes de glace qui s’entrechoquent. J’ai l’impression d’être sur une autre planète, seule au monde, profitant de quelques arrêts pour admirer les cratères et les coulées de lave.

Après avoir contourné la Montaña Blanca et se retrouver au Nord de celle-ci, le chemin bifurque vers le Sud, en réalisant de grands lacets et montant jusqu’à au col. Sur ce versant plus pentu, de gros rochers provenant d’éboulements jonchent le sol (qu’on appelle Huevos del Teide les “oeufs du Teide”) et je remarque tout de suite les grandes coulées de lave noire qui descendent du Teide. La vue sur le Nord de l’île est toujours bouchée par les nuages, comme si le monde s’arrêtait à la caldeira…

Au col, le sentier continue par l’ascension des coulées de lave, mais avant je décide d’aller faire un petit détour par les  panoramas de la Montaña Blanca. Le vent est tellement violent que je dois m’aider des bâtons pour ne pas perdre l’équilibre. Et au final, je décide de ne pas en faire le tour tellement il est difficile de marcher. J’ai à ce stade parcouru 6 km et 350 mètres de dénivelé positif, je suis déjà fatiguée, je sens les effets de l’altitude et le vent m’a bien ensuquée. Après avoir profité du panorama vers le Sud de la caldeira, je m’installe à l’abri d’un rocher pour manger un peu et reprendre des forces.

Puis, à partir de là, les choses se compliquent : sur les 3 km qui me restent à parcourir jusqu’au refuge, je dois gravir 540 mètres de dénivelé positif, avec une pente pouvant atteindre jusqu’à 60% ! J’y suis allée à mon rythme, en m’arrêtant de nooooombreuses fois, et maudissant cette satané altitude… Le paysage change, à l’abri du vent sur ce versant et avec l’effort, il fait vite chaud. A quelques mètres en-dessous du refuge, un petit replat abrite d’énormes rochers, appelés Estancia de los Ingleses. C’est ici que les premiers randonneurs bivouaquaient avant la construction du refuge d’Altavista.


Nuit au refuge d’Altavista

Le refuge d’Altavista se situe à 3260 mètres d’altitude, c’est la première fois que je passerais la nuit aussi haut ! Il n’est visible lors de l’ascension que sur les derniers mètres, caché au fond d’un replat. J’arrive au refuge vers 15h30, mais celui-ci n’ouvre qu’à 17h, il faut donc patienter un peu. Cela peut paraître tôt mais en définitive cela laisse le temps de se reposer, de s’installer, de s’acclimater et de faire connaissance avec les autres aventuriers qui ont tenté l’expérience. En effet, il dispose de 54 couchages, et le dortoir n’est accessible qu’à 19h, le temps d’attribuer chaque place.

Refuge Altavista

Depuis le refuge, le panorama est splendide : la vue s’étire à droite jusqu’au Mont Guajara que j’ai gravi le 2e jour du voyage, et à gauche, l’ombre du Teide s’étire sur une mer de nuages, sous lesquels se cachent l’Est de l’île et l’océan. Je passe de longs moments dehors, à regarder les lumières changer, les ombres s’étirer, les nuages bouger, au fur et à mesure que se couche le soleil, caché par la montagne. Alors que le changement est visible, le temps, lui, est comme arrêté. Là, sur le toit du monde, les idées s’enchaînent et les pensées divaguent. Puis… vient le moment de se reposer.

Ombre du Teide sur l'ocean depuis le refuge

Ascension depuis le refuge Altavista au Pic du Teide

Le réveil est mis à 4h et autant dire qu’avec la nuit difficile que j’ai passé (l’altitude m’a donné des maux de ventre et j’ai la tête comme dans un étau), je ne suis vraiment pas au meilleur de ma forme. Après avoir rassemblé mes affaires et pris un bon petit-déjeuner, je pars du refuge en compagnie d’une jeune russe rencontrée la veille.

Vue-Nord-Est-lever-de-soleil

Dehors, à 5h du matin et à plus de 3200 mètres d’altitude, la température est négative. Je sors emmitouflée dans ma veste, avec les gants, le bonnet et la lampe frontale jugée sur ma tête. Je suis tout de même effarée par le manque d’équipement de certains randonneurs, en simple baskets de ville et avec pour seul éclairage la lampe de leur téléphone portable ! Pour cette deuxième portion d’ascension, il reste environ 2 km à faire avec 450 mètres de dénivelés positif, ce qui n’est pas rien étant donné l’altitude et la nuit qui rendent l’ascension difficile. Depuis le refuge, il faut suivre le sentier n°7 qui continue de grimper en lacets, entre les blocs de roche volcanique, jusqu’au Mirador de La Fortaleza (que j’irai voir sur le retour), puis il faut alors bifurquer à gauche sur le sentier n°11 en direction de La Rambleta, où se situe l’arrivée du téléphérique, à 3555 mètres d’altitude.

Certains sont déjà partis depuis longtemps et on aperçoit les lumières de leurs lampes frontales disséminées dans la montagne au-dessus de nous et ça ne fait qu’amplifier la sensation qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Cette première portion s’effectue en un peu moins d’une heure. Depuis La Rambleta, il faut suivre le sentier n°10 du Telesforo Bravo qui grimpe jusqu’au Pic du Teide. C’est cet accès qui est réglementé et nécessite une autorisation, mais comme nous redescendrons tous avant 9h, nous n’en avons pas besoin. Cette dernière portion est beaucoup plus exposée puisque nous arrivons au sommet. Le vent se lève et les bourrasques peuvent être dangereuses par moment.

Arrivée au sommet vers 7h, à 3718 mètres d’altitude, le vent et le froid me glacent le sang, le tuyau de ma poche à eau est même gelée. Chacun essaye de trouver un endroit à l’abri du vent venant du Nord, derrière un rocher, pour observer le lever du soleil. J’ai encore le temps, le ciel se teinte à peine à l’horizon de couleurs chaudes. Je m’installe et admire le monde s’éveiller…

On commence à voir les contours de l’île, les nuages s’attachant encore et toujours au Nord de l’île, au Sud, les couleurs chaudes du lever de soleil se reflètent dans l’océan et on a du mal à déterminer la limite. Derrière moi, le Pain de Sucre du Teide, cette zone blanche et volcanique, fume, relâche son odeur de souffre et se teinte de douces couleurs orangées. Et puis, à 7h40, le disque du soleil sort de l’horizon. Le spectacle est tout simplement magique… Je reste là de longues minutes, observant le jeu des couleurs devant moi. De l’autre côté, l’ombre du Teide s’étire sur l’océan et la mer de nuages, telle une parfaite pyramide. On distingue même certaines îles des Canaries, La Gomera il me semble.


Le retour à pied, par la Montaña Blanca

A 8h15, je me résigne enfin à redescendre. Le plus dur, et le plus beau, est passé. J’ai réussi à faire l’ascension à pied du Teide, j’en ressens une certaine fierté et cela me redonne la pêche. Malgré la fatigue, je n’ai pas envie que ça s’arrête, car cette dernière journée annonce aussi la fin de mon voyage… De retour à La Rambleta, je profite des différents panoramas sur la caldeira. Près du téléphérique, une partie du groupe de randonneurs attend de pouvoir redescendre avec la première navette, mais je trouve ça dommage après tout l’effort réalisé. Je préfère redescendre à mon rythme, à pied et profiter des endroits que je n’ai pas pu observer à l’aller.

Je m’engage sur le chemin n°12, en direction du Mirador du Pico Viejo, afin d’avoir une autre vision sur la caldeira, côté Ouest. Ce chemin traverse d’anciennes rivières de lave et on croise plusieurs zones de fumerolles, donnant un aspect coloré au milieu de la roche noire. Le belvédère se situe à 750 mètres du téléphérique et offre un beau panorama sur l’Ouest de l’île et le cratère du volcan Viejo. Mais, malheureusement, je n’y suis pas allée, m’arrêtant sur une première plateforme, croyant qu’il s’agissait du point de vue…

Vers le Pico Viejo

De retour au téléphérique, je reprends le chemin n°11 en direction du Mirador de  La Fortaleza, où je m’arrête cette fois. De jour, et avec le soleil de face, le paysage rocheux semble bien chaotique et j’ai du mal à discerner la trace du chemin. Au point de vue, la brume matinale provenant de l’océan trouble la vue sur La Orotava et la côte Nord de l’île. Les nuages moutonnent toujours sur l’océan et la vue est magnifique.

Le chemin du retour est ensuite le même qu’à l’aller : sentier n°7 du refuge jusqu’au parking en passant par la Montaña Blanca . Comptez environ 4h de descente. Je ne ressens pas la fatigue pendant le retour, au contraire, redescendre en altitude me donne une force insoupçonnable. Je ménage toutefois mes genoux en m’octroyant plusieurs pauses. J’arrive au parking sur les coups de midi, la faim me tiraille et pour cette fin de voyage je vais m’offrir le seul et unique repas au restaurant du séjour, face au Teide, pour savourer ces derniers moments et faire le point sur le chemin accompli.

Panorama depuis Fortaleza

Ce trek sur deux jours a été une expérience unique et inédite pour moi sur bien des aspects. C’était mon premier trek en solo, à une altitude aussi élevée et avec autant de dénivelé. Le challenge sportif était donc là et je suis fière de l’avoir relevé, même si, je me répète encore, je ne suis pas quelqu’un qui aime relever des défis. Cela étant, je ne peux nier que ça contribue fortement à alimenter ce sentiment d’avoir vécu quelque chose d’exceptionnel.

Les paysages, volcaniques et désertiques que j’ai foulé ; les panoramas, sur la caldeira de Las Canadas del Teide et sur l’île et l’océan ; le lever du soleil, depuis le sommet ; toutes ces images fabuleuses avec ces couleurs seront gravées en moi.

Quelques petits conseils pour finir, pour ceux qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure :

  • Je ne le conseille pas aux randonneurs occasionnels, cette ascension nécessite tout de même un minimum de condition physique, mais il existe toutefois d’autres solutions (dont le téléphérique) pour découvrir le Teide ;
  • Ne sous-estimez pas les effets de l’altitude : maux de tête, essoufflements, fatigabilité, maux de ventre. Sachez repérer les signes et vous arrêter si besoin au bon moment ;
  • Équipez-vous convenablement : vêtements chauds et coupes vent, eau et nourriture en quantité suffisante (le refuge peut fournir quelques provisions de base), bonnes chaussures de marche et lampe frontale ;
  • Topo et carte : Carte n°233 de chez Kompass, couvre toute l’île et indique les chemins de randonnée balisés, et le Guide Rother de Ténérife présentant 80 itinéraires de randonnées.
  • Pour toutes les informations pratiques, n’hésitez pas à visiter le blog Volcano Teide pour tous ce qui est itinéraires, guide, réservations du refuge ou du téléphérique.

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