Jour 3, la piste de Kjölur

03 Septembre 2013

Piste de Kjölur

La piste de Kjölur, la F35 reliant l’Islande du Sud au Nord est une alternative intéressante pour les voyageurs souhaitant rejoindre le Nord de l’Islande sans passer par la route n°1 à l’Ouest du pays. Elle traverse les Hautes Terres, cette région comprenant la plus grande étendue sauvage du pays. Les infrastructures humaines sont quasi-inexistantes, ainsi que la population, à l’exception peut-être des moutons qui peuplent cette contrée. Les temps forts de la journée seront la visite de la zone géothermique de Hveravellir et notre étape nocturne dans un refuge de montagne.


Petit-déjeuner sucré-salé en buffet à l’hôtel Gullfoss. Généralement, en Islande le petit déjeuner salé se compose d’œufs durs, de charcuterie (jambon cuit, agneau fumé), de saumon fumé, de fromage et de crudités (tomates, concombres). Pour le sucré, on trouve des toasts avec de la confiture et du beurre, des céréales, des gâteaux, des yaourts et/ou du skyr et des fruits. De délicieuses Waffles (gaufres) sont également préparées à l’hôtel, un vrai régal !

La piste de Kjölur, de Gulfoss à Hveravellir

Départ pour la piste de Kjölur. Celle-ci est malgré tout la plus carrossable pour une F-road puisqu’il s’agit de la seule piste sur laquelle tous les cours d’eau sont enjambés par un pont. Il n’y a donc pas de gués et elle ne présente au final aucune difficulté pour les conducteurs de 4×4 et les cyclistes. Elle est toutefois déconseillée aux voitures classiques.

Après quelques kilomètres d’asphalte, la route se transforme en piste, faite de cailloux et de terre, avec sur certaines sections une tripotée de nids de poule mettant à mal les amortisseurs. On croise quelques agents d’entretien de la route qui, semble-t-il, sont justement là pour combler ces trous. Du haut de petites collines, on aperçoit la route sinueuse qui trace son chemin jusqu’à l’horizon, traversant un désert de sable noir et de terre ocre, encadré au loin par d’imposants reliefs enneigés, à moitié cachés par les nuages. La piste atteint le col de Blafellshals et les premières neiges du voyage viennent lécher les abords de la route. Un cairn a été dressé à l’embranchement avec la F336, qui, dit-on est élevé sur une paire de bottes laissé par un ouvrier sur un tas de pierres. Le paysage est magnifique, immense et donne l’impression de se sentir seul au monde. La végétation est rare et laisse place à une étendue de cailloux et de terre.

Lac Hvítárvatn

La route redescend ensuite vers le lac Hvítárvatn et traverse la rivière Hvítá, la « rivière blanche », alimentant les chutes de Gullfoss. Une petite piste sur la gauche permet de s’approcher un peu plus du lac et d’atteindre le refuge Hvítárnes d’où l’on a un superbe panorama. Les abords du lac sont colorés par la végétation qui a un peu repris ses droits. Le lac Hvítárvatn est alimenté par deux langues glaciaires provenant du Langjökull. La poudre de roche transportée dans la glace donne ces reflets laiteux à l’eau du lac et contraste fortement avec la rive qui est couverte de sable noire. Le Langjökull est la deuxième calotte glaciaire d’Islande, avec 953 km². Du refuge, où il n’y a personne ce jour-là, une randonnée assez sportive permet de rejoindre le refuge de Hveravellir en 3 jours, prochain arrêt de la journée que nous atteindrons dans notre cas, en voiture. D’énormes nuages noirs nous poursuivent et la tempête guette tandis que de beaux rayons de soleil illuminent encore le lac et le glacier.

La petite piste continue vers le Nord et traverse un petit gué (le premier !) avant de rejoindre la piste principale de Kjölur. La route, parsemée de nids de poule, progresse vers le Nord, en longeant deux rivières glaciaires, la Svartá et la Jökulfall. Passé l’embranchement vers Kerlingarfjöll, on atteint 30 km plus loin celui vers Hveravellir.


Le site géothermique de Hveravellir

Hveravellir constitue le point central de la piste de Kjölur. Il s’agit d’une zone géothermique importante, faite de fumerolles et de sources d’eau chaude. Un refuge s’est installé à proximité et en été une station d’essence (la seule de la piste) est ouverte. Par manque de place, l’étape pour la nuit ne se fera toutefois pas à Hveravellir mais à Þjófadalir, un refuge de montagne plus à l’Ouest. Après une pause thé dans le refuge, direction le site pour une petite visite. Un bassin d’eau chaude, alimenté par les sources en amont, a été aménagé à côté des baraquements pour permettre aux randonneurs de se prélasser mais étant donné la météo (pluie et froid), la visite se poursuit sans baignade.

Un sentier sur un ponton en bois parcourt la zone géothermale, une des plus grandes d’Islande. Tous les sens sont en éveil : l’odeur d’œuf pourri imprègne les lieux, le sifflement strident du « dôme hurlant » Öskurhóll qui émet un jet de vapeur couvre par endroit le bruit des bulles d’eau ou de boue éclatant à la surface, les vapeurs d’eau créent une sorte de brume réduisant le champ de vision et rendant le spectacle fantasmagorique… Par endroit, un rayon du soleil arrive à percer la brume, se reflète sur l’eau bleue d’une source et fait scintiller les gouttes d’eau emprisonnées sur les marécages bordant les bassins. 

Aucune information n’est toutefois donnée sur les différentes manifestations thermiques présentes sur le site, bien qu’elles aient toutes un nom officiel. On trouve ainsi la magnifique source chaude Fagrihver, à l’eau bleue intense entourée de dépôts de silice, ou le cône d’agglomération Gamli Fagrihver, qui semble inactif mais contient de l’eau chaude à une température autour de 95°C. Comme pour Öskurhóll, les dépôts de silice et de souffre ont fini par former un dôme réduisant petit à petit l’ouverture d’où s’échappent les gaz. Les fumerolles effrayaient les gens et les animaux ; au Moyen-Âge, ils étaient même considérés comme la marque des portes de l’enfer.

Plusieurs sentiers s’éloignent derrière le site, notamment un après une petite ferme au toit en tourbe. Cette randonnée improvisée s’avère être magique. Le sentier traverse un paysage désolé, tourmenté, la terre s’est soulevée à plusieurs endroits en créant des dômes volcaniques recouverts partiellement de mousse verte. Quelques minutes après avoir dépassé la petite ferme en tourbe, un panneau « Eyvindarhellir » indique un abri souterrain. Il s’agit de l’endroit où le voleur Fjalla-Eyvindur se serait terré avec sa femme Halla durant un hiver du 18e siècle. Les Hautes Terres étaient en effet une terre d’exil pour de nombreux criminels Islandais. En perdant tous leurs droits, ils étaient traqués par leurs ennemis mais rares étaient ceux qui les poursuivaient dans ces déserts sauvages. Ces hors-la-loi devaient alors survivre dans des conditions extrêmes. Dans les récits populaires, dont le plus célèbre est la « Saga de Grettir », ces hors-la-loi sont appelés des utilegumenn, des hommes que l’Alþing avait condamnés à l’exil et qui préféraient s’enfoncer dans le centre du pays plutôt que de fuir par la mer.

Un peu plus loin, situé prés d’un imposant dôme volcanique, un embranchement marque la suite de la randonnée jusqu’à Þjófadalir ou le retour à Hveravellir. Ce dôme s’appelle « Eyvindarrétt » en référence au hors-la-loi Eyvindur car il s’agirait de son ancienne bergerie, là où il gardait les moutons volés. Il devait en effet être difficile de s’échapper de ce cratère… Ces dômes se sont crées lors d’une éruption volcanique : les gaz emprisonnés sous la lave explosent avec la pression et celle-ci, au contact de l’air froid, durcit en formant un cratère plutôt rond, comme une grosse bulle qui se serait figée. Après avoir observé le panorama du haut d’Eyvindarrétt, où une tempête de grêle se met subitement à tomber, la ballade se poursuit par l’autre sentier qui repart en direction de Hveravellir. Une zone de petits fumerolles nimbés de souffre et de végétation verte fluorescente surplombe la zone géothermique de Hveravellir.

Vue sur le site de Hveravellir

Vers le refuge de Þjófadalir

Il est temps de rejoindre le refuge de Þjófadalir pour y passer la nuit. Il n’est pas trop éloigné de Hveravellir mais la piste (13 km via F735) est vraiment chaotique et nous ne souhaitons pas être surpris par la nuit. Le 4×4 est en effet indispensable pour emprunter cette piste qui ressemble plus à des montagnes russes. Attention aux pentes importantes, aux enlisements dans le sable et aux nids de poule traîtres !

La piste F735 débouche sur un plateau faisant office de parking : la piste s’arrête là. On observe alors la vallée qui s’étend sous nos yeux. Le paysage est à couper le souffle, de grandes montagnes vertes et noires se dessinent, dans la vallée un petit cours d’eau s’écoule et, au loin, l’imposant glacier Langjökull accroche la lumière de cette fin de journée. Aucune infrastructure humaine à perte de vue, aucune trace de la civilisation… Ah, si, au milieu de la vallée, sur les rives du cours d’eau, un minuscule chalet au toit rouge apparaît… C’est le refuge de Þjófadalir ! Il n’est pas possible de l’approcher en voiture, un panneau indique que les pentes de la montagne sont en re-végétalisation et qu’il est interdit de l’emprunter par un véhicule. Il faut donc porter les affaires nécessaires jusqu’au refuge et y aller à pieds. Le temps de faire le tri dans les valises et les sacs de courses, une tempête de neige se lève !

Arrivé au refuge la question est : est-ce bien ouvert car il n’a pas l’air d’y avoir grand monde ? Dans les refuges de montagne en Islande, en fin de période estivale comme c’est le cas en Septembre, les refuges sont parfois fermés à clefs pour l’hiver. Même si vous avez réservé, il est important de se renseigner auprès de l’association qui gère le refuge (The Iceland Touring Association pour Þjófadalir) afin de savoir si le jour J ce sera ouvert, auquel cas, il faut aller chercher la clef à Reykjavík. Il est donc important de le savoir pour pouvoir anticiper. Heureusement, le refuge est bien ouvert, nous ne passerons pas la nuit dehors, ou dans la voiture…

Il s’agit d’un refuge de montagne pour 12 personnes assez sommaire, sans eau ni électricité, avec une entrée dans laquelle on trouve un réchaud à gaz et un nécessaire de cuisine, et une pièce principale organisée autour d’une table, les couchettes disposées de part et d’autres ainsi que sur une mezzanine. Les WC sont des toilettes sèches situées dans une cabane au fond du… à quelques mètres du refuge.

La nuit n’est pas encore tombée et il doit rester une ou deux heures de luminosité. Une ballade s’impose dans les environs et pourquoi pas l’ascension de la petite montagne à proximité, le mont Rauðkollur. La pente est raide et le sol jonché de cailloux, l’ascension est éreintante mais la vue une fois en haut est magnifique. Dans notre dos, la vallée de Þjófadalir n’est plus que le premier plan d’un paysage sauvage s’étendant à perte de vue. Derrière les montagnes Þjófadafell et Þverfell bordant la vallée est visible l’immense plaine de Kjölur illuminée par quelques rayons du soleil, créant ainsi des tâches lumineuses. Encore quelques mètres et on atteint le sommet, pour découvrir, au-delà, un paysage encore plus somptueux : le glacier Langjökull qui s’étend sur deux langues glaciaires, éclairées par le soleil couchant. La journée se termine et avec elle, une nouvelle tempête de neige arrive, il est temps de redescendre.

De retour au refuge, Marie, une randonneuse Allemande, est installée au chaud à côté du poêle, une tasse de thé à la main. Cette agréable compagnie permettra de faire une jolie rencontre humaine, d’échanger sur la culture Islandaise, Allemande, Française et sur la randonnée en Islande. Le contraste repas froid de type casse-croûte hyper lourd et encombrant pour nous et repas chaud lyophilisé pour elle s’avère assez comique. Cela fait 15 jours que Marie traverse l’Islande seule avec son sac à dos, une expérience forte qu’elle souhaitait vivre seule… La nuit sera longue. Dehors, il fait nuit d’un noir profond, presque angoissant, le vent souffle et il neige par intermittence…

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